La psychothérapie
Psychothérapie pour adulte
Freud pouvait avoir un positionnement très libéral mais également conservateur. Vous dites par exemple qu’il n’était pas opposé à l’avortement et à la contraception mais que la femme était faite pour être mère. N’était-il pas très ambivalent quant à la condition féminine ?
Sa pensée a évolué, notamment à l’âge de 30 ans. Il pensait que la femme était faite pour être la compagne, l’épouse, la mère et c’est cette femme qu’il a choisi dans sa vie. Il disait en même temps que le siècle dans lequel il vivait verrait la femme travailler. Il savait que c’était inéluctable. D’ailleurs, il a laissé à ses filles le libre choix. Lorsqu’il a vu qu’Anna ne voulait pas suivre le modèle de sa mère, celui d’épouse, il l’a poussée à travailler et à avoir un métier. Par ailleurs, dans le mouvement psychanalytique des femmes ont exercé très tôt, dans les années 1910 à 1920. Ce sont d’abord des anciennes patientes ou des femmes de psychanalystes qui le devenaient et avaient des places importantes. Freud y était favorable et en ce sens émancipateur des femmes. Il était également pour le contrôle des naissances. Et s’il ne pouvait pas ouvertement prôner l’avortement, car considéré à l’époque comme un véritable meurtre, il était favorable à la contraception, notamment à cause de la mort de sa fille Sophie. Quant à sa théorie du petit pénis et du clitoris, elle était fausse et n’a pas tenu longtemps. Pour autant, ce n’est pas misogyne de dire que les femmes occupent une position phallique. Il n’en fait pas une théorie d’infériorisation des femmes. Freud était pour l’harmonie des sexes. Il était d’ailleurs entouré de nombreuses femmes. La femme pouvait posséder son royaume et avoir la direction de la vie quotidienne, comme Martha [sa femme NDLR], mais également être une véritable complice comme sa belle-sœur.
Vous parlez de « l’auto-engendrement » qui a permis aux freudiens de créer le mythe Freud, mais n’ont-ils pas ainsi omis tout le contexte, l’histoire et les rencontres participant à la fondation de sa théorie ?
Freud invente l’idée selon laquelle il s’est autoanalysé alors qu’il ne s’agissait pas d’une auto-analyse. Ceci est un mythe. Cette période dite d’autoanalyse ne peut être nommée comme telle par une historienne. C’est en fait une période d’errance à travers les théories de Fliess, dont on retrouve la trace dans sa correspondance et lors de laquelle il pose un nouveau regard sur la question sexuelle. Il crée cette idée de l’auto-engendrement par autoanalyse afin d’être le premier analyste dont tout découlerait. Il fait donc une théorie mythique de son histoire, ce qui ne signifie pas fausse. Il reconstruit cette histoire de savoir solitaire. Evidemment, s’il est nécessaire de sortir des mythes, il faut également savoir les conserver. Cela fait partie de l’histoire de la psychanalyse.
Freud voulait que soit reconnue à la psychanalyse sa valeur prophylactique. Il souhaitait qu’elle se développe dans les institutions et soit proposée gratuitement si nécessaire. Que pensez-vous de la place de la psychanalyse actuellement?
Cette prophétie, ce désir de Freud se sont réalisés. Un peu partout, entre autre à l’Institut de Berlin, des cures gratuites ont été mises en œuvre et ont eu des résultats positifs. Il y voyait un caractère prophylactique et pensait que selon le contexte, la cure pouvait être gratuite. L’idée selon laquelle le patient doit payer pour que la cure marche est une construction psychanalytique. Encore faut-il des institutions pour financer cette démarche et au regard du contexte actuel de crise cela n’est pas évident. Mais tout à fait possible, dans les CMPP ou CMP par exemple.
Freud et la psychanalyse ont participé à de multiples révolutions : culturelle, politique, littéraire, sexuelle, notamment car celle-ci est porteuse d’une idéologie. Cependant à une sombre époque, elle devait être, selon lui, apolitique et neutre. La psychanalyse ne doit-elle pas avoir un caractère subversif au contraire ?
Freud lui-même avait cette pensée contradictoire, dans laquelle il s’est un peu enfermé. A la fois l’idée que la psychanalyse est subversive et doit apporter quelque chose de nouveau et en même temps, qu’elle reste neutre par rapport aux institutions existantes. Il souhaitait donner à la psychanalyse une autonomie. C’est-à-dire qu’elle soit enseignée, notamment à l’université et ce uniquement par des psychanalystes. Selon moi, on peut enseigner la psychanalyse, l’histoire de Freud et sa clinique sans être psychanalyste, mais on ne peut pas être analyste sans avoir fait de cure. L’autre point de contradiction est cette idée de neutralité. Dans des périodes particulières, il faut savoir s’engager. Et l’idée selon laquelle il était possible de survivre sous le nazisme était une erreur fondamentale de Jones. Penser aujourd’hui que les psychanalystes n’ont rien à dire sur la société et qu’ils doivent être neutres est une idée fausse. Ce n’était d’ailleurs pas le cas de Freud car il a pris position sur la peine de mort, la guerre, la civilisation, l’émancipation, l’Etat des Juifs. Je pense que lorsque l’on reste neutre, on risque surtout d’être réactionnaire. Ce qui est différent de conservateur.
Certains imaginent la psychanalyse comme une doctrine figée. Vous montrez bien comment Freud n’a cessé de remettre en question ses hypothèses et comment son travail a évolué dans son temps…
Ce n’est pas une doctrine figée, bien qu’aujourd’hui elle le soit trop chez certains psychanalystes. Mais ce n’est pas une doctrine figée et j’espère avoir contribué à le montrer à travers ce livre. Le retour à l’histoire de Freud est salutaire pour les psychanalystes. Il faut que cette communauté connaisse son histoire et son fondateur pour pouvoir exister.
Elise ROUAUD
Etudiante en « Etudes psychanalytiques » à l’UM3.
Psychothérapeute de formation psychanalytique